Le rapport présente 20 propositions. Il
préconise notamment d'adopter désormais le concept de maladie plutôt que
celui de syndrome pour évoquer la fibromyalgie, d'accentuer l'effort de
recherche -notamment de recherche clinique -, d'améliorer la formation
initiale et continue des médecins, d'encourager une approche
pluri-professionnelle et de favoriser le développement des programmes
d’éducation thérapeutique du patient, d'élaborer des recommandations et
des référentiels, d'inclure la fibromyalgie dans la liste des
pathologies complexes ouvrant droit à une majoration de tarification
pour les consultations de généralistes, de garantir la reconnaissance de
l’ALD aux cas sévères et coûteux en soins de manière homogène sur le
territoire national, la HAS d’établissant des recommandations de prise
en charge.
Intervention du rapporteur Patrice Carvalho, devant la commission d'enquête, mercredi 12 octobre 2016
Madame la Présidente,
Chers collègues,
Je vous rappelle que notre commission d’enquête a été créée par la
Conférence des présidents le 10 mai 2016 à la demande du groupe de la
Gauche démocrate et républicaine et que, depuis cette date, nous avons tenu 20 auditions au cours desquelles nous avons entendu 36 personnes
parmi lesquelles, des médecins et des représentants des institutions du
système de santé publique mais aussi des associations de patients.
Parallèlement, nous avons été destinataires de nombreux témoignages
spontanés à la suite de la création de la commission d’enquête [...].
Je souhaite remercier les auteurs de ces courriers qui m’ont aidé à
mieux comprendre leurs difficultés et vous verrez certains extraits de
ces témoignages dans le rapport car ils sont souvent précis et
convaincants.
Comme vous le savez, j’étais à l’initiative de la
création de cette commission d’enquête et je voudrais dire aujourd’hui
que les auditions que nous avons conduites ensemble dans un esprit
consensuel et positif m’ont conforté dans cette orientation tant le besoin de reconnaissance des patients était grand.
Si notre commission a contribué à modifier le regard de nos
concitoyens sur les souffrances des malades de la fibromyalgie en leur
donnant la parole dans l’enceinte de l’Assemblée nationale, elle aura
atteint un de ses objectifs.
Nos travaux ont aussi mis l’accent sur
les insuffisances de notre système de santé dans le traitement de cette
souffrance et ont permis d’identifier des propositions d’amélioration.
Vous verrez ainsi que nous formulons 20 propositions
qui, je l’espère, recueilleront votre approbation. Elles reflètent les
échanges que nous avons eus en marge des auditions et elles ne vous
surprendront donc pas. Afin de ne pas monopoliser la parole, je n’en
présenterai que quelques-unes.
En premier lieu, il m’est apparu
que le fait que les médecins parlent de syndrome ne contribuait pas à
crédibiliser la souffrance subie par les patients auprès de leurs
proches et de leur entourage professionnel.
Pour ces raisons, je
souhaite que les autorités sanitaires françaises évoluent dans la
terminologie qu’elles utilisent et adoptent désormais le concept de maladie plutôt que celui de syndrome pour évoquer la fibromyalgie.
Si
les causes de la fibromyalgie comme sa prévalence et son coût restent
encore difficiles à cerner, il me semble qu’elles sont encore fortement
sous-estimées et que nous devrions progresser dans l’épidémiologie de cette maladie.
Les
souffrances qu’elle engendre sont bien réelles et je me suis efforcé de
les retracer dans mon rapport, dans leur diversité et leur impact
quotidien, grâce aux témoignages des patients et de leurs associations.
Vous verrez que j’ai notamment beaucoup utilisé la remarquable enquête de l’association FibromyalgieSOS menée en 2014 auprès de 4500 patients.
S’agissant des réponses de notre système de santé publique à cette maladie, j’estime tout d’abord que la France devait accentuer son effort de recherche, notamment de recherche clinique,
qui semble très en deçà de la prévalence de la fibromyalgie dans notre
pays et de ce qui est pratiqué dans certains autres pays occidentaux.
L’expertise collective
engagée par l’INSERM devrait toutefois contribuer à approfondir nos
connaissances et renouveler nos modes d’action mais seulement à compter
de 2018.
Les représentants de l’INSERM que nous avons entendus,
dont son président directeur général, M. Yves Lévy, ont d’ailleurs
expressément affirmé qu’ils suivaient nos auditions et qu’ils
tiendraient compte de nos propositions dans leurs travaux : il n’y a
donc pas de concurrence entre nos deux démarches mais bien une complémentarité.
Dans un autre registre, il importe que la formation initiale et continue des médecins
soit améliorée afin que cette maladie soit mieux connue et reconnue. Je
fais à cet égard des propositions précises, en lien avec la réforme du 3ème cycle des études de médecine.
Une plus grande sensibilisation aux outils de repérage,
notamment aux questionnaires qui nous ont été présentés, permettra
aussi un diagnostic plus précoce et réduira l’errance médicale.
De nombreux intervenants nous ont décrit les effets secondaires indésirables des traitements médicamenteux tout en rappelant qu’il n’existait pas d’autorisation de mise sur le marché de molécule pour la fibromyalgie en Europe.
Il
faut donc encourager une approche pluri-professionnelle de la prise en
charge des patients afin de promouvoir la réadaptation à l’effort sans
créer d’addiction à des médicaments dont l’effet durable est fortement
sujet à caution.
Dans cet ordre d’idées, je propose de favoriser le développement des programmes d’éducation thérapeutique du patient, fondé sur une évaluation scientifique des modules existants.
La
table ronde que nous avons tenue avec la présidente en présence de
plusieurs patientes atteintes d’une forme grave de fibromyalgie à
l’hôpital Cochin, dans le service du professeur Perrot, nous a
convaincus du bienfondé du programme d’éducation thérapeutique qu’elles
suivaient, comme l’ont aussi relevé de nombreuses personnes que nous
avons auditionnées.
Afin de lutter contre l’errance médicale, il
faut que la Haute autorité de santé, dans la continuité de son rapport
de 2010, définisse un modèle de prise en charge susceptible de servir de
référence aux médecins généralistes et spécialistes.
La définition d’un véritable parcours de soins suppose en effet l’élaboration de recommandations et de référentiels
susceptibles d’aider les médecins généralistes à coordonner la prise en
charge et à mieux orienter les patients vers les spécialistes et les
centres de traitement de la douleur, qu’il faut conforter et développer.
Inclure la fibromyalgie dans la liste des pathologies complexes ouvrant droit à une majoration de tarification pour les consultations de généralistes,
comme le prévoit la future convention entre les caisses d’assurance
maladie et les médecins libéraux, permettrait de reconnaître la
spécificité de ces patients qui nécessitent une consultation approfondie
que les médecins généralistes n’ont pas toujours le temps de mener.
Une autre des préoccupations exprimées par les associations de patients est l’inégalité de prise en charge
par l’assurance maladie (affections de longue durée) ou la Caisse
nationale de solidarité pour l’autonomie (prise en charge du handicap)
selon les territoires. Nos investigations et notamment les chiffres
fournis par la Caisse nationale d’assurance maladie des travailleurs
salariés (CNAMTS) confortent cette appréciation.
Il importe avant
tout que la reconnaissance de l’ALD soit garantie aux cas sévères et
coûteux en soins, de manière homogène sur le territoire national, ce qui
ne semble pas être le cas actuellement, notamment pour l’appréciation
de la condition de traitement particulièrement coûteux prévue par la
circulaire de 2009 pour les affections hors liste.
Il appartient
d’abord à la HAS d’établir des recommandations de prise en charge. La
CNAMTS nous a ainsi indiqué qu’elle avait sollicitée la HAS à cet effet
par courrier en date du 16 juin 2016, ce qui laisse penser que la
création de notre commission d’enquête n’est pas complètement étrangère à
cette initiative salutaire. L’établissement de recommandations
permettra ainsi de réaliser des actions de formation auprès du réseau
des médecins conseils afin d’obtenir la meilleure cohérence des avis
donnés
Enfin, apprendre à gérer la fatigue, les douleurs, le
stress, demande un travail d’équipe qui n’est pas seulement médical mais
pluri professionnel et peut nécessiter le recours à des traitements
médicamenteux et non médicamenteux, parfois à des médecines
complémentaires.
Si les traitements médicamenteux sont a priori
pris en charge par l’assurance maladie, d’autres possibilités, pourtant
déterminantes dans le traitement de la douleur, sont peu ou pas pris en
charge
J’estime qu’il serait utile que la HAS définisse un panier de soins
(balnéothérapie, consultation d’un psychologue, activités de retour à
l’effort, éventuellement compléments alimentaires) éligible à une prise
en charge, peut-être forfaitaire, plus adaptée aux besoins des patients
fibromyalgiques que les médicaments.
Voilà, madame la présidente,
mes chers collègues, brièvement résumé, le contenu des analyses et
propositions que vous trouverez dans le rapport et je me tiens à votre
disposition pour répondre à vos questions.