En étudiant le génome d'une jeune fille incapable de
ressentir la douleur, des chercheurs belges et allemands ont identifié
un gène unique responsable de sa maladie. Après avoir mené des tests sur
des souris, les scientifiques estiment pouvoir créer une nouvelle forme
d'analgésique.
Il n'est pas question ici d'un anticorps, mais d'un médicament. Pour les raison évoquées dans le précédent article, je trouve ça peut être plus intéressant.
Et on plaindra encore les pauvres souris qui ont servies de cobayes.
Donc:
Les analgésies congénitales sont des maladies très rares, qui se traduisent par une incapacité physiologique à ressentir la douleur.
Une équipe de chercheurs belges et allemands a scruté le génome d'une
patiente présentant ce trouble, le comparant notamment à celui de ses
parents, non atteints. Ses analyses ont permis l'identification d'une
mutation sur un gène du nom de SCN11A, dont le rôle chez l'humain était
jusqu'alors inconnu.
Chez l'homme, la sensation de douleur est initiée lorsque
certains récepteurs, présents dans tout notre organisme, sont stimulés
au-delà d'un certain seuil. A un niveau microscopique, la membrane des cellules réceptrices est traversée de protéines
agencées en "canaux", canaux par lesquels certains ions (1) peuvent
pénétrer à grande vitesse. L'arrivée très rapide d'ions chargés
positivement (ici, le sodium) dans la cellule modifie son potentiel
électrique interne, ce qui se traduit par l'émission d'un signal
électrique dans les nerfs, vers la moelle épinière et le cerveau. La
pénétration, à un débit plus faible, d'ions négatifs dans les cellules
rétablit ultérieurement leur potentiel électrique, entraînant la
dissipation de la sensation douloureuse.
Un apparent paradoxe
Le gène identifié par l'équipe belgo-allemande s'est révélé l'un
des responsables de l'ouverture des fameux "canaux" ioniques. "Ce qui
nous a tous surpris", nous explique Ingo Kurth, "c'est que la mutation
que nous avons observée chez la patiente entraîne une hyperactivité, une
surexpression du gène. C'est l'inverse qui était attendu !"
Selon toute vraisemblance, lorsque les molécules produites à la
suite de la transcription du gène SCN11A sont déversées en trop grand
nombre, les canaux ioniques restent désespérément fermés.
Pour confirmer leurs hypothèses, les chercheurs ont substitué
chez la souris le gène SCN11A normal par sa version mutée. Ils ont
ensuite observé la capacité des rongeurs à ressentir la douleur.
Comparées à des souris non mutées, les souris d'Ingo Kurth se sont
avérées avoir un temps de réaction à la chaleur 2,5 fois plus important.
Au terme de plusieurs jours d'expérience, un dixième des souris
s'étaient blessées (certaines jusqu'à présenter des fractures) au cours
de leurs activités quotidiennes...
Vers des analgésiques d'un autre genre ?
La possibilité de saturer les canaux ioniques à l'aide de la
molécule associée à SCN11A ouvre également la perspective de production
d'une forme entièrement nouvelle d'analgésique. Les chercheurs auront
toutefois à surmonter de très nombreux obstacles.
Ingo Kurth fait ici preuve de la plus grande prudence : "Chez
l'homme, il existe neuf protéines associées à l’ouverture de canaux qui
favorisent la circulation des ions sodiums dans différents types de
cellules. Le médicament que nous devrons développer ne devra avoir
d’action que sur le canal ionique des récepteurs de la douleur. Par
ailleurs, il nous faudrait trouver une posologie adaptée à l’homme."