Entre 2008 et 2012, les candidats à la mort choisie provenaient de 31 pays différents et souffraient le plus souvent de maladies neurologiques.
par Anne Jeanblanc
Étrange coïncidence de l'histoire : alors que la vice-présidente de
l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Nicole Boucheton, est décédée par suicide assisté en Suisse début août, le Journal of Medical Ethics
vient de publier une enquête intitulée : "Tourisme du suicide : une
étude pilote sur le phénomène suisse." Ce travail porte sur les 611
personnes décédées par suicide assisté entre 2008 et 2012 recensées par
l'Institut de médecine légale du canton de Zurich. Elles provenaient de
31 nations différentes. Parmi elles, on trouve 66 Français.
La France est, avec 10,8 % des cas, le troisième pays qui compte le plus de ressortissants concernés, derrière l'Allemagne
(268 cas, 43,9 %) et le Royaume-Uni (126 cas, 20,6 %), et devant
l'Italie (44), les États-Unis (21), l'Autriche (14), le Canada (12), ou
encore l'Espagne et Israël (8). Les auteurs de ce travail, le Dr Saskia
Gauthier et ses collègues de l'université de Zurich, ont remarqué une
baisse du nombre de ceux qu'ils appellent les "touristes du suicide"
entre 2008 et 2009, suivie d'un doublement des cas entre 2009 et 2012.
Ils l'expliquent en partie par les articles alors consacrés à quatre cas
de suicide assisté par inhalation d'hélium, ayant entraîné des décès
"décrits comme atroces". Dans les autres cas, les décès ont été
provoqués par l'absorption de pentobarbital de sodium.
Concernant
le "profil" des personnes décédées, elles avaient entre 23 et 97 ans et
c'étaient des femmes dans 58,5 % des cas. Les maladies dont elles
souffraient étaient très variées, mais les pathologies neurologiques
arrivaient en tête (47 % des cas) suivies par le cancer (37 %). Et plus
d'un individu sur quatre présentait plus d'une maladie. L'étude indique
que les pathologies mortelles ou celles arrivées au stade terminal ne
sont pas les principales causes invoquées pour faire appel au suicide
assisté. Néanmoins, ces résultats sont "à prendre avec précaution",
estiment les chercheurs puisqu'ils se sont intéressés aux patients
étrangers à la Suisse. Ils n'oublient pas que les personnes les plus lourdement atteintes ne sont pas en mesure de voyager.
"Laisser un autre pays faire le sale boulot à sa place"
Enfin,
le "tourisme du suicide" est influencé par les législations en vigueur
dans les différents pays et, a contrario, cette pratique a des
répercussions sur les lois en vigueur dans les pays d'origine de ceux
qui choisissent de finir leur vie ainsi. Car "le grand public se rend
compte lentement qu'il est plutôt gênant intellectuellement, mais aussi
moralement, de laisser un autre pays faire le sale boulot à sa place",
note le Dr Charles Foster, de l'université d'Oxford, l'un des auteurs de
l'étude.
D'ailleurs, le nombre croissant d'Allemands candidats
au suicide assisté en Suisse et l'aide à la mort en cours dans ce pays
ont donné lieu à un projet de loi à la fin de l'année 2012, dans lequel
"l'assistance commerciale au suicide" était punissable. Concernant la
Grande-Bretagne, les auteurs rappellent l'affaire Debbie Purdy. En 2009,
cette femme atteinte d'une sclérose en plaques souhaitait bénéficier du
suicide assisté en Suisse. Elle avait fait appel à la Chambre des Lords
pour que son mari, qui voulait l'assister dans son suicide, ne soit pas
poursuivi à son retour en Angleterre. Les poursuites pénales encourues
ont ainsi été assouplies en 2010 à certaines conditions.
Pour la
France, les chercheurs avouent ne pas avoir trouvé d'effets directs des
suicides assistés en Suisse sur la législation hexagonale ces dernières
années, même s'ils évoquent les discussions sur la libéralisation du
suicide assisté depuis "le changement de gouvernement". Mais les débats
sur la fin de vie sont loin d'être clos.
Bonsoir,
RépondreSupprimerje trouve votre article génial et complet sur les infos à donner sur ce qu'est ce suicide assisté devenant peut etre à la longue comme il est dit, un suicide commercial. Je travaille sur ce sujet dans le cadre d'une réflexion dans le cadre de TPE au lycée et j'aimerai savoir si vous pourriez me contacter ainsi que d'autres personnes pour en discuter plus amplement! Merci pour tout et vos infos !