Et si on avait enfin une explication au fait que la fibromyalgie "préférait" les femmes ? Et si cette découverte de "nouveaux" mécanismes de la douleur pouvait ouvrir de nouveaux horizons de recherche ?
Je vous cite in extenso un article publié à l'origine sur un site universitaire: qui nous démontre que ça n'est jamais une bonne chose d'oublier dans ses recherches une bonne moitié de l'humanité.
Une nouvelle étude dont les résultats ont été publiés le 29 juin dans la revue scientifique Nature Neuroscience
révèle pour la première fois que des cellules différentes interviennent
dans les mécanismes de la douleur chez les souris mâles et femelles.
Cette découverte a une incidence considérable sur notre compréhension
fondamentale de la douleur, sur la mise au point de la prochaine
génération de médicaments pour le traitement de la douleur
chronique – qui est de loin le problème de santé le plus courant chez
les humains – et sur les méthodes utilisées dans le domaine de la
recherche biomédicale fondamentale chez la souris.
« La recherche a démontré que les hommes et les femmes ont une
sensibilité à la douleur différente et que plus de femmes que d’hommes
souffrent de douleur chronique. Cependant, on a toujours présumé que les
circuits de la douleur sont les mêmes chez les deux sexes », affirme le
coauteur en chef de l’étude Jeffrey Mogil, Ph. D., titulaire de la
chaire E. P. Taylor d’études sur la douleur à l’Université McGill et
directeur du Centre de recherche sur la douleur Alan Edwards. « Le
constat selon lequel les bases biologiques de la douleur pourraient être
si fondamentalement différentes entre les hommes et les femmes soulève
des questions importantes sur les plans de la recherche et de l’éthique
si nous voulons diminuer les souffrances. »
Cette étude a été réalisée par des équipes de l’Université
McGill, de l’Hospital for Sick Children (SickKids) et de l’Université
Duke. Elle portait sur la théorie admise depuis longtemps selon laquelle
la douleur est transmise dans le système nerveux à partir du siège de
la lésion ou de l’inflammation à l’aide de cellules du système
immunitaire appelées microglies. Cette nouvelle étude révèle que cette
théorie n’est vérifiée que chez les souris mâles. En effet, diverses
perturbations du fonctionnement des microglies ont permis de bloquer la
douleur chez les souris mâles, mais n’ont eu aucune incidence chez les
souris femelles.
Des médicaments antidouleur mieux adaptés
Selon les chercheurs, un type complètement différent de
cellules immunitaires, les lymphocytes T, semble déclencher les signaux
de la douleur chez les souris femelles. On ignore toutefois comment cela
se produit exactement.
« Il est absolument essentiel de comprendre les voies de la
douleur et les différences entre les sexes alors que nous en sommes à
concevoir la prochaine génération d’analgésiques plus complexes et mieux
ciblés », affirme Michael Salter, M.D., Ph. D., scientifique chevronné
et chef du Service de neurosciences et de santé mentale du SickKids,
professeur à l’Université de Toronto et coauteur en chef de l’étude.
« Nous croyons que le système nerveux des souris est très semblable à
celui des humains, particulièrement pour une fonction évolutionnaire
fondamentale comme la douleur. Par conséquent, ces résultats nous
indiquent que nous devons tenir compte de facteurs importants dans la
mise au point de médicaments contre la douleur chez l’humain ».
Ne pas oublier les souris femelles
Cette découverte survient au moment où les scientifiques
accordent une plus grande attention à l’inclusion d’animaux et de
cellules femelles dans les études précliniques. Les Instituts nationaux
de la santé des États-Unis ont récemment dévoilé une nouvelle politique,
semblable à celle qui est déjà en vigueur au Canada, pour exiger le
recours à des animaux et à des lignées cellulaires femelles dans les
études précliniques.
« Pendant les 15 dernières années, les scientifiques croyaient
que les microglies contrôlaient l’intensité de la douleur, mais cette
conclusion était fondée sur des études qui utilisaient presque
exclusivement des souris mâles », explique le professeur Mogil. « Notre
découverte est l’exemple parfait illustrant les raisons pour lesquelles
cette politique, ainsi que des études très soigneusement conçues, sont
essentielles pour que les bienfaits de la science fondamentale profitent
à tous ».
Ces travaux ont été financés par des subventions des Instituts
de recherche en santé du Canada, de la Fondation Louise et Alan Edwards,
des Instituts nationaux de la santé des États-Unis, et de la Fondation
SickKids.
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L’article intitulé « Different immune cells mediate mechanical
pain hypersensitivity in male and female mice », par Robert E. Sorge et
coll., a été publié en ligne avant la version imprimée sur le site Web
de la revue scientifique Nature Neuroscience le 29 juin 2015. DOI : 10.1038/nn.4053