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Comment vivre avec une gueule de bois permanente ? Nous aussi on connait ça.
Lettre à une inconnue bienveillante
Chère amie,
Peut être es-tu curieuse de savoir en quoi consiste ma maladie ?
Tu es sûrement assez détachée de moi pour pouvoir m'écouter avec sérénité.
J'ai rencontré bien peu de personnes qui ont su m'écouter. Peut être aucune.
Mais
toi tu es là, l'esprit frais et l'œil tranquille. Tu es là, et parce
que nous aurions pu nous rencontrer et peut être (je n'en doute pas)
nous apprécier, tu me tends une attention qui me touche sincèrement.
Aussi
je tacherai de te présenter ma maladie avec le plus de lucidité
possible. Je t'expliquerai en quoi cette maladie est forcément un
naufrage malgré les apparences.
Je tacherai aussi de ne pas
m'étaler outre mesure, le principe de cette maladie étant à mon sens
relativement simple. Aussi simple ou presque que le principe de
fonctionnement d'une pile rechargeable.
La violence de certaines
de mes affirmations pourra te heurter et éveiller en toi certains
soupçons. Je tacherai à cet égard de mettre ma douleur de côté pour
t'expliquer cette maladie sans la moindre exagération.
Il arrive
que lorsqu'un corps souffre, l'esprit accueille cette souffrance de
manière disproportionnée. J'ai moi aussi connu cet écueil et je n'aurais
jamais pu te parler comme je le fais il y a 5 ans.
Il m'a fallu
10 ans pour réussir à libérer mon esprit de ce poids énorme. Hier quand
mon corps souffrait, mon esprit souffrait tout autant et ces deux
souffrances semblaient s'accumuler. C'est que je n'avais pas encore
accepté la maladie, que je n'avais pas encore pris la mesure de son
ampleur. Je ne prétendrais pas avoir réussi à l'accepter corps et âme,
mais l'issue que j'ai trouvée, la porte de secours que j'ai choisi
d'emprunter m'apaise suffisamment pour me permettre le luxe d'un ultime
détachement.
Enfin, si tu veux bien et si je n'ai pas déjà épuisé
ta patience, je voudrais me confier à toi sur cette autre existence que
j'aurais voulue connaître, si la maladie ne s'était pas emparée de moi
avec autant de violence. La souffrance, je lui dois bien ça, m'a donné
le vrai gout des choses, m'a appris ce que j'aimais.
A quoi bon
diriez-vous si c'est pour mettre fin à ses jours sans en avoir joui ?
C'est que l'objet de mes désirs est un horizon imprenable. Peut-on
traverser l'Atlantique avec un radeau en ruine ? Que dis-je ? Peut-on
seulement traverser la Manche ?
Cette maladie chaque jour vous
épuise et vous diriez « pourquoi ? ». Or, c'est là son essence même.
Elle n'a pas besoin de raison. Elle vous épuise un point c'est tout,
puisqu'elle consiste en une malformation génétique.
Dormir 15
heures ne vous aidera pas non plus. Les premiers temps votre corps va
lutter assez aisément et votre esprit, tout naturellement jugera cette
fatigue passagère ; ou pire une mononucléose ? Et non, vous en avez pour
toute la vie !
Quand vous l'aurez compris : accrochez-vous. Chaque jour ressemblera à un lendemain de nuit blanche ou à un lendemain de cuite.
Mais quoi ? Abandonner si vite ? Non, vous êtes de la race des lions.
Tant
bien que mal, vous allez vous adapter au monde des gens normaux. Comme
un affamé dans le jardin d'Eden assistant impuissant au festin de
Gargantua.
Au bord du sommeil en permanence, il vous faudra
apprendre à ne pas plonger. Vous userez tous les « trucs », les ruses,
les subterfuges.
Peu à peu, du manque de sommeil naitra une
fatigue nerveuse. L'esprit luttera contre le corps, mais à force de
lutter : il l'usera.
Non pas en quelques jours, non pas en quelques mois. Non, vous êtes plus costaud que ça ! Il lui faudra plusieurs années...
Vous
qui espériez tôt ou tard guérir, vous voilà dix ans plus tard, avec en
plus de la maladie : reflux, mal de dos, allergies, hypersensibilité au
stress, froid aux membres chroniques. Et vous n'avez pourtant que 26
ans.
Tout cela sans évoquer les difficultés sociales que la
maladie engendre. Impossibilité de sortir le soir sans être complètement
cassé le lendemain par exemple, impossibilité de sociabiliser pendant
le jour à cause de la fatigue.
Vous me direz : « mais il y a des
maladies bien plus grave que celle-là » et dans les faits, je vous
donnerai raison. Mais alors que dans la plupart des maladies, le malade
bénéficie d'une certaine indulgence de la part de la société (irait-on
reprocher à un aveugle de traverser malencontreusement en dehors des
clous ?), le narcoleptique se heurte soit aux sarcasmes de la société
quand il est reconnu comme tel, soit à une véritable culpabilisation.
Avec des accusations explicites ou à demi-mots qui vont de « fainéant »
jusqu'à « est-ce que tu te drogues » ?
Le narcoleptique devrait
bénéficier d'une aide financière de la part de l'Etat au même titre que
la plupart des maladies invalidantes.
Tom Derhy
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