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lundi 26 mars 2018

Vis ma vie de handicapé

La secrétaire au handicap lance Duoday


Le principe est simple : Une entreprise ou une collectivité accueille, le temps d'une journée de stage, une personne handicapée en duo avec un salarié volontaire. Au programme de cette journée : participation active aux tâches habituelles du collaborateur et/ou observation de son travail.

Il faut savoir que le truc existe déjà dans d'autres pays, donc la France n'invente rien. 

Pour la jolie vidéo de Mme Cluzel, c'est ici : 


Partons du principe que tout ça part d'une bonne volonté, partons du principe également que les "valides" volontaires seront tous réellement désireux de :
  • construire des ponts entre employeurs, personnes handicapées et acteurs de l'accompagnement
  • promouvoir une société inclusive dont l'emploi est le pilier
  • faire valoir les compétences des personnes handicapée
  • permettre à ses équipes de s’ouvrir à la diversité et au handicap
  • ensemble, dépasser nos préjugés.

Mais on peut se poser plein de questions, voire carrément s'offusquer de la démarche. C'est mon cas (mais j'ai un sale caractère aussi j'avoue).

Miam, des valides ! J'espère qu'ils sont sans gluten.



On sent bien la sensibilité "en marche" car une fois de plus la question du handicap est abordée sous l'angle de l'emploi. C'est pas que c'est mal, c'est que c'est hyper-réducteur. Le handicap, on ne le laisse pas au boulot quand on a la chance d'en avoir un. On le ramène chez soi, on le ramène à ses proches comme une pomme empoisonnée, et c'est souvent là que c'est le pire.

Passons.

N'empêche que ça me rappelle cette émissions débile : on a échangé nos mamans (ou je sais plus quoi en terre inconnue). 

La secrétaire semble un peu oublier que : 
  • nous ne sommes pas des animaux exposés dans un zoo mais des humains qui veulent par dessus tout être intégrés et considérés comme des gens normaux. C'est juste l'esprit de la loi (inappliquée) de 2005.
  • 80% des handicaps sont invisibles, et qu'une majorité des personnes avec une RQTH ne la fait pas valoir de peur de perdre son emploi. Il faut souvent beaucoup de courage pour exposer son handicap quand on passe sa vie à le cacher ou à "faire semblant que tout va bien".
  • la situation de handicap ne se regarde pas, elle se vit.
  • une journée est totalement insuffisante, pour le coup faudrait directement faire ça sur une semaine au moins.
  • etc

On se demandait il n'y pas si longtemps comment faire vivre la fibromyalgie à des valides dans le cadre d'une journée des handicaps invisibles. On est déjà tous d'accord pour dire qu'une journée ne suffit pas, que notre handicap est aussi une souffrance parce qu'il se vit dans la durée et qu'il ne nous laisse pas nous reposer une fois rentrés à la maison.


Dans sa vie, tout le monde a eu mal, tout le monde a été fatigué, tout le monde a eu une mauvaise nuit, tout le monde s'est remis d'une mauvais grippe. Mais qui vit ça tous les jours depuis des années ? Quel valide peut comprendre la sensation d'avoir été renversé par un camion tous les matins au réveil ? Pire, de se coucher déjà démoralisé en sachant que cette sensation l'attendra le lendemain aussi certain que le soleil va se lever ?

Ca veut dire quoi vivre la journée d'un diabétique ? Les valides vont devoir se faire des piqûres ? 
Ca veut dire quoi comprendre la vie d'un dépressif ? D'un trisomique ? d'un Schizophrène ? Comment on se met dans leur peau ? 



Et encore on ne parle pas des salaires de misère, des temps partiels, des frais non remboursés parce que "de confort"..... de la maltraitance institutionnelle... des DRH qui nous poussent à la porte, des médecins du travail en voie de disparition....

Hey j'ai une idée ! Si on demandait aux parlementaires de vivre un mois avec l'AAH ? De voter les budgets pour appliquer la loi handicap de 2005 qui promettait 100% des services publics, des immeubles  et des commerces accessibles en 2015 ? Non je déconne: ça c'est vraiment pas raisonnable.