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mardi 15 septembre 2015

Le tourisme du suicide

Article tiré du point, cité in extenso. Les passages centraux sont marqués en rouge par votre serviteur. 

Entre 2008 et 2012, les candidats à la mort choisie provenaient de 31 pays différents et souffraient le plus souvent de maladies neurologiques.



Étrange coïncidence de l'histoire : alors que la vice-présidente de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Nicole Boucheton, est décédée par suicide assisté en Suisse début août, le Journal of Medical Ethics vient de publier une enquête intitulée : "Tourisme du suicide : une étude pilote sur le phénomène suisse." Ce travail porte sur les 611 personnes décédées par suicide assisté entre 2008 et 2012 recensées par l'Institut de médecine légale du canton de Zurich. Elles provenaient de 31 nations différentes. Parmi elles, on trouve 66 Français. 

La France est, avec 10,8 % des cas, le troisième pays qui compte le plus de ressortissants concernés, derrière l'Allemagne (268 cas, 43,9 %) et le Royaume-Uni (126 cas, 20,6 %), et devant l'Italie (44), les États-Unis (21), l'Autriche (14), le Canada (12), ou encore l'Espagne et Israël (8). Les auteurs de ce travail, le Dr Saskia Gauthier et ses collègues de l'université de Zurich, ont remarqué une baisse du nombre de ceux qu'ils appellent les "touristes du suicide" entre 2008 et 2009, suivie d'un doublement des cas entre 2009 et 2012. Ils l'expliquent en partie par les articles alors consacrés à quatre cas de suicide assisté par inhalation d'hélium, ayant entraîné des décès "décrits comme atroces". Dans les autres cas, les décès ont été provoqués par l'absorption de pentobarbital de sodium. 

Concernant le "profil" des personnes décédées, elles avaient entre 23 et 97 ans et c'étaient des femmes dans 58,5 % des cas. Les maladies dont elles souffraient étaient très variées, mais les pathologies neurologiques arrivaient en tête (47 % des cas) suivies par le cancer (37 %). Et plus d'un individu sur quatre présentait plus d'une maladie. L'étude indique que les pathologies mortelles ou celles arrivées au stade terminal ne sont pas les principales causes invoquées pour faire appel au suicide assisté. Néanmoins, ces résultats sont "à prendre avec précaution", estiment les chercheurs puisqu'ils se sont intéressés aux patients étrangers à la Suisse. Ils n'oublient pas que les personnes les plus lourdement atteintes ne sont pas en mesure de voyager.

"Laisser un autre pays faire le sale boulot à sa place"

Enfin, le "tourisme du suicide" est influencé par les législations en vigueur dans les différents pays et, a contrario, cette pratique a des répercussions sur les lois en vigueur dans les pays d'origine de ceux qui choisissent de finir leur vie ainsi. Car "le grand public se rend compte lentement qu'il est plutôt gênant intellectuellement, mais aussi moralement, de laisser un autre pays faire le sale boulot à sa place", note le Dr Charles Foster, de l'université d'Oxford, l'un des auteurs de l'étude.
D'ailleurs, le nombre croissant d'Allemands candidats au suicide assisté en Suisse et l'aide à la mort en cours dans ce pays ont donné lieu à un projet de loi à la fin de l'année 2012, dans lequel "l'assistance commerciale au suicide" était punissable. Concernant la Grande-Bretagne, les auteurs rappellent l'affaire Debbie Purdy. En 2009, cette femme atteinte d'une sclérose en plaques souhaitait bénéficier du suicide assisté en Suisse. Elle avait fait appel à la Chambre des Lords pour que son mari, qui voulait l'assister dans son suicide, ne soit pas poursuivi à son retour en Angleterre. Les poursuites pénales encourues ont ainsi été assouplies en 2010 à certaines conditions.
Pour la France, les chercheurs avouent ne pas avoir trouvé d'effets directs des suicides assistés en Suisse sur la législation hexagonale ces dernières années, même s'ils évoquent les discussions sur la libéralisation du suicide assisté depuis "le changement de gouvernement". Mais les débats sur la fin de vie sont loin d'être clos.